Pour une agriculture urbaine au service des communs

13400842735_aca507c824_zLa répartition des ressources alimentaires et leur production fait partie des principaux enjeux  pour l’homme, qui l’ont amené à s’organiser pour gérer en communauté et de manière équitable les ressources locales, et ce depuis l’époque où il était chasseur-cueilleur. Le développement de l’agriculture l’a amené à se sédentariser et à fonder des villages, puis des villes et donc à modifier son rapport aux espaces de production. De nombreux espaces ont fini par sortir du « champ » des communs pour entrer dans une sphère privée, gérée d’une manière plus exclusive et au bénéfice d’un nombre limité de personnes.  Cependant, jusqu’à une époque récente, l’espace, même propriétaire restait accessible à tous, pour un usage commun. Ce qui était très pratiqué au moyen âge (avec les Common lands), a pris fin avec le développement de l’industrialisation et du capitalisme, par le mouvement des enclosures qui s’est concrétisé par la privatisation des terres.

On observe aujourd’hui un double mouvement contradictoire : d’un côté l’extension de la sphère privée, avec ce qu’on pourrait appeler les nouvelles enclosures et de l’autre ce que certains appellent une renaissance ou un retour des communs. L’extension de la sphère privée se concrétise à de multiples échelles, qui vont de territoires entiers à des morceaux d’espaces publics, en ville. L’accaparement de  plusieurs millions d’hectares de terres, dans des pays peu démocratiques qui ont soudainement perçus les bénéfices financiers à court terme qu’ils peuvent générer, au dépend du droit coutumier, est un exemple de l’ampleur que peut prendre le phénomène. De manière tout aussi insidieuse, la privatisation de certains morceaux de ville consacre cette vision à court terme, confiant à des opérateurs privés certains espaces  qui relevaient alors d’un patrimoine commun. Les Partenariats Publics Privés (PPP), sont les principaux outils de ce processus de privatisation généralisé.

L’espace propriétaire n’est pas forcément à opposer avec les communs, puisque que de nombreux espaces privés développent des bénéfices ou des usages communs, ou restent ouverts et accessibles. Ces espaces sont cependant fortement menacés, leur périmètre ou leur nombre se réduit à une vitesse alarmante. C’est le cas de nombreuses friches urbaines, qui constituent souvent les terrains d’expérimentation des communs urbains, ou dans de nombreux espaces ayant encore échappé à la résidentialisation. Au delà des friches, se sont aussi des espaces verts qui peuvent être la cible du marché, l’exemple du parc Gezi, à Istanbul est dorénavant bien connu et a suscité un vaste mouvement de réappropriation de cet espace commun.

Les communs urbains prennent souvent place sur des sites délaissés, ou en période transitoire. Parfois ce sont des espaces de flou, sans propriétaire identifié. C’est cette situation qui a en général permis le développement d’usages nouveaux ou alternatifs qui ne se seraient jamais développés ailleurs, ou parfois ont permis d’accueillir une population en marge du système, ou qui n’a pas trouvé sa place dans le monde conventionnel.

L’éloge de l’innovation à tout prix, a fini par mettre en avant et reprendre ces alternatives, par les encadrer ou les faire rentrer dans une logique commerciale (avec le triptyque gagnant bar – jardin – atelier), très courue par hipsters. Attirés par une sorte de pastiche des communs urbains et un esprit alternatif parfois surfait.

L’agriculture urbaine est de plus en plus instrumentalisée pour rendre des lieux attractifs, au risque de lui faire perdre tout son sens et son esprit originel. Cet esprit qui porte à la fois une logique de production locale, vivrière, une logique de lien social, de solidarité, de gratuité ou une logique écologique. Cette agriculture est aussi pour beaucoup un des outils clés pour remettre au gout du jour le concept des communs, en tant qu’alternative aux systèmes dominants, permettant un changement de paradigme. Elle permet notamment la défense de l’espace public. La place publique, avec sa capacité d’échange est gravement menacée, or c’est un des principaux espaces d’expression politique et social. Les mouvements Occupy, ou plus récemment nuit debout l’ont bien compris. Cette agriculture des communs, ou la ville comestible permet de défendre une autre manière de faire la ville ou de transformer le territoire. Une ville comestible, faite pour et par ses habitants, qui laisse une plus large place à l’autogestion. Les jardins partagés ou collectifs, certaines micro-fermes, certains porteurs de projets en agriculture urbaine, Vergers Urbains, la Guerilla Gardening ou les Incroyables Comestibles s’inscrivent dans cette logique, chacun à leur manière.

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