Paris, mis à l’épreuve de l’hospitalité

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Alors que Paris cherche à se réinventer, ou à se faire grand,  on semble parfois oublier cette crise, ou plutôt cette urgence qui enfle depuis presque de deux années et à laquelle aucune réponse satisfaisante n’est donnée. L’ampleur de cette crise est pourtant sans commune mesure avec ce à quoi font fasse les villes allemandes, qui pour accueillir des centaines de milliers de réfugiés arrivent à profit à la fois les logements vacants, les bâtiments administratifs ou équipements publics désaffectés (hôpitaux, casernes, gymnases, etc.) mais aussi des hôtels, entrepôts, des solutions légères et mobiles (conteneurs) etc.  Certes avec des conditions sanitaires pas toujours adaptées, mais qui permettent de faire transition dans l’attente de solutions plus stables et éviter ainsi le phénomène que connait Paris, où les campements s’installent au cœur de l’espace public (le quartier La Chapelle souvent), dans des conditions inacceptables. Ces campements ont pour effet d’entraîner une intolérance voir même  un rejet violent de la part des riverains, (qui risque de générer d’ailleurs des effets politiques désastreux) puis d’innombrables expulsions dans des sites dispersés dans les confins de la région, et en dehors. Les sites d’hébergement proposés sont souvent incompatibles avec leur situation et les laisse sans l’accompagnement des collectifs de soutien. Ce qui les amènera inévitablement à revenir  vers leur cœur de réseau, là où ils peuvent trouver un soutien tant de leur communauté que des acteurs sociaux ou collectifs. Les réponses politiques qui s’en suivent sont souvent sécuritaires, ségrégatives ou gentrifiantes : par exemple barrièrages et fermeture de l’esplanade du jardin d’Eole, des squares de la place de la Chapelle, du boulevard de la Chapelle, ou implantation d’un « Chapelle Plage » sur l’esplanade Nathalie Sarraute, pour « éviter qu’ils n’y reviennent ». Paris serait-elle devenue inhospitalière?

Les réponses aux besoins d’hébergement, restent inadaptées, excepté dans quelques rares cas comme celui de Jean Quarré : ancien lycée hôtelier transformé provisoirement en Centre d’Hébergement d’Urgence dans le 19ème, qui permet de mettre à profit un équipement désaffecté, (comme il y en a beaucoup d’autres dans Paris) mais qui représente une goutte d’eau par rapport aux besoins  : 150 hébergés sur les milliers nécessaires. Sachant qu’il a fallut une période de squat, en mode autogéré (ou automalgéré), d’un bâtiment resté libre durant plusieurs années pour susciter son aménagement en véritable centre d’hébergement, faute d’anticipation. Nous sommes souvent dans une logique du Tout (expulsions autoritaires et à l’aveugle, pour rejoindre hébergements surencadrés) ou Rien (campement dans la rue) avec peu de solutions intermédiaires. Le grand projet prévu par la mairie centrale, pour une ouverture en septembre, conçu dans le plus grand secret (ce qui ne facilite pas l’intégration), au Nord de Paris (halle Dubois) risque aussi de ne représenter qu’une goutte d’eau, ou de persister dans une volonté de relégation ou cantonnement aux marges de la ville. Alors que la solution serait de trouver des solution intégrées, pérennes mais flexibles, évolutives en fonction des flux, aux cœurs des quartiers, capables d’héberger aussi bien des réfugiés,  des étudiants, des sans domiciles, des personnes à bas revenus ou d’autres personnes nomades. Sachant que le nombre de m2 de bureaux vacants frôle le million et pourraient pour la plupart facilement être transformés en logements.

Au lieu de cela  nous persistons dans les erreurs de l’après guerre, voir même régressons fautes de moyens, avec des solutions d’hébergement ségrégatives, conçues comme provisoires, mais peu à la hauteur. Ces solutions de logement de masse avaient certes répondues aux besoins en logement à leurs début (durant la période « glorieuse »), mais nous peinons à les réintégrer dans un cadre de vie acceptable et mixte (des grands ensemble  prévus pour durer 30 ans) car dénués d’un caractère résilient. Par cette logique segmentaire nous persistons à ne vouloir tenter de répondre qu’à une partie du problème  : l’hébergement.

Il faut sortir d’une logique purement humanitaire pour aller vers une intégration sociale,  vers des échanges multi-directionnels. L’enjeu de cette hospitalité, qu’il reste à créer est autant de développer rapidement des logements robustes, à bas coût, au cœur de la ville, que de faciliter leur inclusion (même s’il ne sont que de passage) pour éviter un rejet des riverains en mettant en place une situation gagnant-gagnant où les réfugiés, en tant que Habitants, participeraient à la vie du quartier en valorisant leurs ressources, leurs compétences, leur temps. Des expérimentations existent, par exemple en Allemagne où des réfugiés participent à des ateliers de fabrication ou réparation, à des cours de cuisine.

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C’est dans cette logique que s’inscrit le tiers lieu développé par le collectif Babylone, et notamment les associations Vergers Urbains et Toits Vivants sur le Centre d’Hébergement Jean Quarré, à travers la mise en place d’espaces de travail partagés, d’un atelier construction, d’une cuisine mobile (en cours de conception, avec les hébergés), d’un atelier de réparation de vélos, la création d’un potager, ou d’un poulailler qui permettent de générer des interactions avec habitants du quartier.  Ce qui reste encore peu courant et difficile dans les centres d’hébergement actuels, où l’accès reste restreint et facilitent peu les échanges vers l’extérieur et donc autonomie des résidents.

Ces expériences, ce travail commun avec les hébergés développées sur cet ancien lycée hôtelier révèle  une forte volonté d’implication de leur part. Celle-ci se fait de manière spontanée, il suffit de donner l’occasion, les outils, les codes (la barrière linguistique et culturelle est souvent forte), pour dépasser les premiers blocages et lever les hostilités.

L’agriculture urbaine, la cuisine, la réparation, la construction, constituent  des activités concrètes de transition, avec un langage commun qui permet facilement d’inclure, dépasser les peurs et générer l’interaction dans cet espace commun qu’est la ville.

lire aussi :

http://www.liberation.fr/futurs/2015/08/20/berlin-des-start-up-a-la-rescousse_1366630

http://www.makery.info/2016/07/19/solidarite-avec-les-migrants-au-fablab-neckar-alb-en-allemagne/

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