Libérer les espaces urbains, rendre la ville récréative
Pendant tout l’été, une quinzaine d’enfants du quartier La Chapelle, pour la plupart livrés à eux même ont trouvé de nouvelles occupations. Sans doute réfractaires aux activités habituelles de leurs camarades du même age, ou tenus à l’écart des nouvelles technologies, ils aspirent à une vie active, à l’air libre et se sont donnés rendez vous tous les jours à 16h (ou presque) au Jardin Mobile installé Esplanade Nathalie Sarraute depuis début juillet (Paris 18ème), pour renforcer l’équipe des jardiniers de l’association Vergers Urbains et aider à l’entretien (arrosage, plantations etc.). Le mardi c’est le jours tant attendu de l’Amap HSBC (‘Hyper Social Bio Club), qui effectue justement la distribution de ses paniers d’été sur le Jardin Mobile et rares sont ceux qui loupent ce rendez vous pour s’impliquer (bénévolement, puisque le travail rémunéré des enfants est interdit) dans la constitution des différents paniers et aider à la distribution. Le jeu de la marchande (ou du marchand, puisque cette jeune équipe est mixte) se retrouve revu et corrigé et devient alors une affaire sérieuse (et militante), sans doute bien plus intéressante que les leçons de mathématique habituellement subies à l’école.
Non loin de là, tous les samedi, dés 14h pétante, ils sont une douzaine à assaillir les adhérents de Commun Jardin (Jardin partagé situé dans le square Rosa Luxembourg) pour offrir leur aide de manière insistante dans les différents travaux courants ou non courants : création des allées, délimitation des parcelles, plantations, recherche de vers de terre, signalétique etc.
L’espace urbain leur permet ainsi de joindre l’utile au ludique et de sortir de l’espace domestique ou scolaire, souvent dominé par les écrans (télé, console, internet…) ou les conventions. De là à impliquer les parents ou leurs grands frères dans leurs activités, il n’y a qu’un pas, que certains franchissent en adhérant (sans doute sous leur pression) à l’amap ou au Jardin Partagé.
De la même façon que le jardinage urbain quitte de plus en plus les grilles des jardins partagé, les jeux d’enfants ont ainsi quitté leur « aire » (de jeux) et présagent un réinvestissement de l’espace public ou même de la rue par les plus (ou moins) jeunes. C’est dorénavant l’espace urbain qui devient un immense terrain d’aventure, en prise avec le réel, offrant de multiples opportunités pour jouer avec les différents éléments urbains et sous la surveillance collective.
L’espace public n’est-il pas un meilleur support d’épanouissement, d’apprentissage de la vie que les aires de jeux choisies sur catalogue qui se sont multipliées dans la plupart des squares ?. …Et si on libérait définitivement ces espaces bien souvent trop lisses, normés, et stériles, pour laisser place à la diversité, à la surprise, au végétal, dans un espace à la fois adapté aux enfants et aux adultes? Grâce à de petits « ménagements » urbains, ou des détournements d’espaces, la ville peut facilement devenir récréative.
Mais cela imposera aussi de revoir profondément le mode de conception de l’espace public, dominé par l’automobile (et les dispositifs de sécurité qu’elle impose) et par la marchandisation (difficile de s’asseoir sans devoir payer une consommation)