…Vers une Fabrique des Communs Urbains

UCCFL’année 2016 sera sans doute celle du retour des communs urbains. Alors que la société continue d’opérer un repli sur soit, à sombrer dans une dérive sécuritaire (en levant des murs, des clôtures, en installant des dispositifs de surveillance…), à ségréger, ou à privatiser ses espaces ou services communs (ou publics), des initiatives de plus en plus nombreuses commencent à émerger pour contre carrer cette tendance. Ces initiatives sont multiples, elles flirtent souvent avec l’économie capitalistique, avec certains acteurs de l’économie collaborative ou du « partage » (uber, blablacar,…), ou d’autres acteurs impliqués dans la dynamique smart city. D’autres initiatives sont motivées par la reprise en main des enjeux énergétiques (développement des coopératives de production notamment, économies d’énergie), la questions des déchets (stratégies zéro déchets), des transports (dans une optique zéro carbone), ou la souveraineté alimentaire (développement de l’agriculture urbaine, des circuits courts). Ils ont en commun de s’appuyer généralement sur une dynamique collective et bottom up, en marge des champs traditionnels de l’action publique pour requestionner le système actuel….

L’espace urbain n’est pas en reste et on passe de plus en plus de la notion de support physique destiné à des usages souvent prédéterminés, préconçus, pour évoluer vers la notion de lieu co-construit, voir même autogéré dans quelques cas encore rares. C’est à dire des espaces ouverts, créés par et pour la communauté, avec ses propres règles de gouvernance (collégiale, voir holacratique). On parle alors de Communs Urbains, où la lutte contre les enclosures rime parfois avec le droit à la ville d’Henri Lefèvre et une réappropriation collective, non ségrégative des espaces publics et des espaces délaissés.

Ces communs urbains se concrétisent par la mise en œuvre de stratégies multiples de réappropriation, ou d’activation d’espaces, souvent délaissés, pour laisser libre cours à des usages collectifs, souples, résilients avec une large part d’expérimentation pour transformer en profondeur la ville, dans ses moindres interstices et la rendre plus résiliente et viable.

Ces dispositifs nécessiteront la mise en place lieux ressources, prenant la forme de Tiers Lieux, englobant à la fois des espaces tel que les coworking, Living Labs, FabLabs, foodlab, Jardins Collectifs etc. C’est à dire des lieux ouverts, supports de mutualisation, d’échange, d’expérimentation, de co-production. Ils interrogent les dimensions multiples de la société : le social, l’économie, l’environnement, la culture, la technologie, etc. Ces Tiers Lieux doivent permettre le « prototypage » d’un nouveau type d’urbanisme, plus collaboratif et viseront à tester, ou préfigurer des usages pérénisables, à la manière d’un micro-urbanisme tactique.

C’est en quelque sorte l’esprit des Laboratoires citoyens (Laboratorios ciudadanos), qui se sont développés à Madrid sur de nombreux espaces vacants. . Dominico Di Sena (CivicWise) : les Laboratorios ciudadanos sont en réalité des lieux de forte inclusion sociale. Ils ne sont ni des lieux institutionnels, ni des espaces de contre-culture, altermondialistes, figés dans des concepts « puristes » et par conséquent excluants. Ils ont progressivement abandonné leur caractère underground, pour permettre une participation citoyenne la plus large possible (entretien, mars 2015 par Raphael Besson). https://www.urbanews.fr/2016/01/11/50396-laboratoires-citoyens-madrilenes-fabrique-communs-urbains/

Living-roof - pano

C’est aussi dans cette dynamique que se situe le projet Urban Common Factory du collectif Babylone (lab-au.org), qui prendra place, de manière éphémère sur le site des Cathédrales du Rail. Cette fabrique temporaire, qui prendra la suite du Living Roof (living-roof.paris) permettra entre autre le lancement de Tiers Lieux générateurs de Communs Urbains, centrés sur l’agriculture urbaine et la résilience, pérennes ou itinérants destinés à (ré)activer des territoires délaissés. Cette fabrique prendra la forme d’une résidence, d’un workshop et d’un festival d’agriculture urbaine, rassemblant différents acteurs pluridisciplinaires (amateurs ou experts), permettant le prototypage de ce tiers lieu. La démarche de co-construction de ce tiers lieu sera démonstratif des idées qu’il compte porter : une construction progressive, collective et expérimentale. Cette fabrique mettra à profit des espaces test pour les usages pérennes qui y prendront place (cas du Cube, qui devra préfigurer certains usages d’une médiathèque), qui évolueront de manière permanente, en fonction des liens qui seront créés avec le contexte local.

Ce Tiers Lieu sera fortement axé sur la question de l’agriculture urbaine, qui par la multiplicité des enjeux abordés et son rapport transversal à la ville constitue une des thématiques fortes des Communs Urbains. Il constituera un laboratoire pour développer les dispositifs qui rendront la ville comestible et résiliente, en renforçant le métabolisme urbain. Il contribuera à faire émerger une agriculture du troisième type, une agriculture urbaine hybride, située entre l’agriculture bio-intensive et le jardinage associatif urbain,génératrice de Communs [agri]Urbains.

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